lunes, 18 de enero de 2016

Le cinéma de Virgil Vernier, ou comment filmer la ville ?

   

     Jean-Louis Comolli disait que la ville est ce que le cinéma a le plus filmé. Depuis les frères Lumière, cet art a beaucoup montré les espaces urbains où ses histoires se déroulent. On peut donc considérer le cinéma comme un outil de pensée qu’organise la mémoire urbaine. La sortie de l’usine Lumière à Lyon, au-delà d’être une référence de la genèse cinématographique, est aussi un regard sur la ville énoncée dans son titre. 

     Le cinéma de Virgil Vernier descend en ligne droite des films des frères Lumière (et pas de ceux de Méliès) dans le sens où l’on retrouve le même paradigme d’une certaine cinématique urbaine. Dans cet archétype de cinéma, une interprétation de la ville surgit et s’affirme : la ville comme scène, exposition, surface sensible. Dans la note d’intention du dossier de Mercuriales, Vernier annonce tout de suite qu’avec ce film il voulait montrer la beauté et le mystère des villes de la banlieue parisienne. Ce postulat de départ configure la cohabitation du cinéaste dans une tradition cinématographique qui a produit de nombreux films.

     La ville du cinéaste (celle de Vernier et d’autres) n’est ni celle de l’urbaniste ni celle de l’architecte, comme a écrit Noël Barbe. Il se trouve que la problématique de la ville filmée provoque  une question intimement cinématographique, celle de la reproduction : Comment le cinéma pourrait-il rendre perceptible les éléments (la beauté et le mystère) caractéristiques d’une ville ?

     Une ville est aussi son évolution : en tant que corps (collectif, urbain), les villes muent. La question de la représentativité cinématographique revient sur ce point-là : Comment le cinéma pourrait-il saisir ces caractéristiques citadines en les inscrivant dans une histoire passée ou future ? L’anachronisme de certains films de Vernier (Thermidor et Orléans, par exemple), est une source particulière qui rend encore plus intéressante sa vision des villes de la banlieue parisienne (et même de Paris).

·         Le décor urbain    
     Même si la ville en tant qu’espace social et symbolique est au cœur du cinéma de Vernier, sa démarche n’est pas de reproduire le décor urbain mais de la manière dont les personnes peuplent ce décor. Dans la note au lecteur du scénario de Mercuriales, le cinéaste montre ses propos : combiner ses désirs de fiction avec la manière d’être et de parler des comédiens choisis (des comédiens non professionnels). Et une manière d’être et de parler, c’est un résultat culturel produit au sein d’une ville particulière.

     En rappelant le paradoxe de Rohmer, Jacques Aumont réfléchissait sur la notion de l’espace au cinéma : l’attachement des personnages aux lieux. Dans le cinéma de Vernier, notamment dans Mercuriales, ce lien avec l’espace se révèle dans la personnalité des personnages : le personnage de Joane parle, en effet, comme quelconque jeune fille de la banlieue parisienne. 

     Les tours Mercuriales à Bagnolet (les pieds d’un robot gigantesque, comme a dit Vernier) font signe dans le long-métrage par plusieurs raisons. Elles inscrivent l’histoire dans un espace précis, elles symbolisent l’évolution (ou régression) d’une ville (et celle de ses habitants) et elles sont une métaphore filmique : la production d’un monde urbain étranger aux humains, d’où la phrase évoquée du cinéaste. Les personnages de Mercuriales sont véritablement emprisonnés dans la sombre de ces bâtiments. 
  
     En tant qu’espace social, la ville dans Mercuriales offre peu de places à l’échange humain. On voit souvent Lisa et Joane déambuler dans des rues désertiques. D’ailleurs, au fur et à mesure du film, la ville semble s’effacer. En allant vers la frontière avec l’Allemagne, la sauvagerie de l’espace urbain s’éteint. La vision de Vernier concernant la vie moderne est assez pessimiste : les êtres cassés en deux par la vie, par la violence de notre époque, lui paraît le nouveau type de héros qui appartient au 21e siècle.

     Comme espace symbolique, l’anachronisme de Vernier propose aussi une réinterprétation des villes, du réel. L’apparition de Jeanne d’Arc (ou du personnage qui joue cette figure historique) dans Orléans fait cohabiter des modèles médiévaux au sein d’une histoire ancrée dans la société moderne (encore une fois, la manière de parler de ces femmes est tout à fait liée à leur conditions socioéconomiques).

·         La déshumanisation urbaine       
     La banlieue filmée par Vernier semble représenter un espace étranger aux propres personnages. Cette ville déshumanisée, violente même, réapparait dans toute sa filmographie : dans les premières images de Commissariat, on ne voit aucune présence humaine dans les rues transitées en voiture par les policiers ; dans Thermidor, à la fin du film, aucune personne n’est là pour remarquer le défilé anachronique des personnages ; l’individualité humaine est effacée par le comportement robotique des silhouettes (pas des personnages) montrées dans Andorre ; les personnes présentées dans Pandore sont stigmatisées, contrôlées et parfois mises à l’écart.  

     En revenant à Andorre, l’un des moments où l’on voit une femme dans un espace clos, son image dans le cadre est floue. On ne perçoit bien son reflet que dans des miroirs placés derrière elle. Cette personne entre et sort du cadre plusieurs fois pendant quelques secondes. Dans ce film, la démarche de Vernier n’était que montrer, sans commenter directement, ce lieu de loisir, d’un apparent bien être, où chaque humain ressemble à son prochain. Dans ce paradis fiscal toute individualité semble floue. La scène évoquée dévoile cela : sur chaque photogramme, la présence humaine n’est qu’une trace, une lumière filée, floue.  

     Ce court-métrage, par sa réalisation, insère aussi l’idée du son dans les images de la ville filmée. Le résultat du film ne serait pas le même sans sa bande son. La dimension que donne cette musique fait découvrir le désir du cinéma de jouer avec le réel : ces pratiques de loisir sont modifiées par une musique qui les rend lugubres à l’écran. Cette bande-son porte le seul commentaire qui fait le metteur en scène : la musique immerge le spectateur dans un véritable bain sonore qui conditionne la perception pendant la projection. Pleine, saturé, continue, elle ne laisse pas d’espace au silence.

     Par rapport à Paris, la vision de Vernier est également pessimiste : « Le Paris de Philippe Garrel (…), c’est fini », a-t-il dit aux Cahiers de cinéma. Dans Pandore, où l’histoire se déroule dans la capitale française, on trouve le personnage le plus insupportable de sa filmographie. Il n’y plus de bienveillance à Paris selon Vernier. Là, l’idée réside dans la capacité de généralisation du film : au-delà d’être un cas particulier, c’est un microcosme qui se répète tout au long de la ville. Même si l’on ne voit aucune image de Paris, cette violence parisienne est hors champ.  La puissance du cinéma est de donner un effet de réel à l’illusion, de présence à l’absence : Paris n’apparaît pas dans le film mais son metteur en scène élargit  sa représentation filmique.

     Telle que les films nous la montre, la ville est le lieu d’un mouvement caractéristique : celui du temps des policiers dans Commissariat, qui n’arrivent plus à se connecter à l’égard d’un paysage urbain violent ; celui de la société capitaliste supprimé par leurs propres pratiques de consomme dans Andorre ; et même du déracinement du personnage principal de Mercuriales. Les regards de Vernier sur les villes renvoie à nos limites et nos défaites en tant que spectateurs : ses films remplacent la réalité dans le sens où tout le travail du cinéma est ici de se demander s’il y a quelque chose à voir dans ces traces d’une ville filmée.

     L’image cinématographique chez Vernier participe des enjeux de la mémoire de l’homme contemporain sur les espaces urbains français. Le geste de la fin de Mercuriales place les films du cinéaste dans une nostalgique future. Les mûrs qui tombent à cause de cette sorte de dragon mécanique seront remplacés par un autre décor urbain : la ville, encore une fois, poursuit son mue. Et le cinéma, au moins le cinéma qui intéresse à Vernier, se transforme avec elle.    


viernes, 15 de enero de 2016

Mis películas favoritas del 2015



     Mi 2015 comenzó con A Most Violent Year, de J.C. Chandor, y terminó con Tangerine, de Sean Baker. Ambas estadounidenses. Ambas son el tercer largometraje (en solitario) de sus directores. Y ambas representan bien el cine que se hace en Hollywood y en sus márgenes. Chandor filma con los rostros más conocidos del sistema Jessica Chastain, Oscar Isaac…; Baker, con actores no profesionales. Chandor está a punto de convertirse en uno de los grandes nombres de la industria; Baker, en una de las figuras más sobresalientes del cine independiente. Ambos tienen talento, pero Baker está un paso adelante. Grabó su película con un teléfono móvil y lo usó de manera fascinante: la intensidad de Sin-Dee-Rella, la protagonista, no decae nunca. La cinta es una montaña rusa junto a personajes que no se parecen a nadie en el cine. Y lo mejor es que a pesar de la violencia y el descontrol los personajes son justos entre ellos: el gesto final de Alexandra, la mejor amiga de Sin-Dee-Rella, es hermoso. Además, la escena de la felación en el autolavado es una buena alegoría del acto sexual.

     Tangerine es una de las mejores películas estadounidenses del 2015, pero está al margen de una industria que lo domina todo.

     Hollywood y Cannes controlan el cine. Son los altares de la industria del entretenimiento y del cine de autor, respectivamente. Pero no son siempre el epicentro del mejor cine.

     Mi película favorita del 2015 es en realidad del 2013. Norte, el final de la historia, de Lav Diaz, se estrenó en Cannes hace dos años y se programó en las salas de cine francesas durante el último noviembre. Es una película de un poco más de cuatro horas, duración necesaria para el desarrollo de los personajes: al final uno tiene la sensación de que ellos exigían ese tiempo. No tengo la misma percepción con todo el cine del filipino: Florentina Hubaldo dura seis horas pero la cinta no se sostiene siempre. Norte, en cambio, lo hace sin problemas. La caminata al precipicio es una de las mejores secuencias del 2015. Una madre decide acabar con todo, con su vida y con las de sus dos hijos. El trávelin diagonal que sigue el desplazamiento de los personajes es soberbio. Todo funciona bien en esta película donde cada momento está bien contado. Me fascina cómo Diaz controla las partes más dramáticas y embellece aquellas que a simple vista son más anecdóticas.
     
     Otra de mis favoritas es Hill of freedom, de Hong sang-soo. Este surcoreano rueda como nadie. Se podría decir que viene haciendo la misma película desde hace un rato, pero su dominio del lenguaje cinematográfico le permite llegar siempre un poco más allá. Hill of freedom está contada (o leída: es epistolar) de manera fragmentada, por pedazos desordenados. El punto fuerte del director radica en su manía de narrar historias ligeras (y de grabarlas del mismo modo) que develan con honestidad la manera en que hombres y mujeres nos relacionamos.

     Al igual que Diaz y Hong sang-soo, otro asiático que forma parte de los pesos pesados del cine contemporáneo es el tailandés Apichatpong Weerasethakul. Cementery of splendour es una delicia de principio a fin. Cada imagen de esta película (y de su cine en general) me hace sentir bien. Nunca estoy tan bien como cuando veo sus películas. En esta última, la visita al palacio que ya no existe es una secuencia brillante. El cine también está en la palabra. Y en el tiempo que pasa: en el cine de Weerasethakul las acciones de sus personajes parecen captadas en tiempo real, el tiempo exacto que toma un hombre en defecar y otro, en tener una erección.

    Los franceses no se quedaron atrás. El mejor director francés vivo (y mi favorito en la historia del cine), Philippe Garrel, estrenó L’ombre des femmes. Es el Garrel de siempre: en blanco y negro y obsesionado por las historias de amor que duelen. Esta vez nadie se suicida. Esta vez los amantes se reencuentran al final. Garrel envejece, se endulza, pero sigue teniendo esa capacidad casi quirúrgica de entender las relaciones de pareja.

     El otro francés es Desplechin. Trois souvenirs de ma jeunesse es una formidable precuela de Comment je me suis disputé… (una de las películas de mi vida). Encontrar otra vez, y en pantalla grande, a Paul Dedalus fue un lujo: Mathieu Almaric es el Jean-Pierre Léaud del cine francés actual. Trois souvenirs… es una película en tres partes: la primera parece un cuento; la segunda, un thriller; y la tercera, el centro del filme, un relato de iniciación que contiene lo mejor de la escritura del director.

     La mejor comedia del cine francés del 2015 es una  ópera prima. No sólo uno se ríe con Le nouveau, de Rudi Rosenberg, sino que también se aprecia la existencia de personajes adolescentes tan bien trazados, de personajes entrañables.

    De nuevo el cine estadounidense. Carol, de Todd Haynes, e Inherent Vice, de Paul Thomas Anderson, son las últimas dos grandes películas nacidas en el seno de la industria hollywoodense. Olvídense de Los Oscar y de Iñarritu, el buen cine no será premiado el 28 de febrero. Carol parece salida de los 50, de las imágenes suntuosas de Douglas Sirk. En los primeros minutos, las manos de dos personajes se posan en los hombres de Therese. Una de ellas corresponde a la de Carol. El gesto de Therese, encarnada por Ronny Mara, al saberse tocada, resume perfectamente este púdico relato romántico. Y una vez el acto sexual practicado, la cámara de Haynes recorre los cuerpos de sus heroínas para aterrizar en sus manos, unas manos entrelazadas que parecen contener el secreto de toda una pasión.

    Cada película de Paul Thomas Anderson es irreprochable. Cada plano está tan bien hecho y ensamblado que es difícil no apreciar su cine. En Inherent Vice adaptó el mundo monstruoso de Thomas Pynchon. Y lo hizo con algunas de sus imágenes más bellas hasta ahora. El director de The Master demuestra que el maestro es él.

Mis 20 favoritas.
Norte, el final de la historia, de Lav Diaz.
Hill of freedom, de Hong sang-soo.
Cementery of splendour, de Apichatpong Weerasethakul.
L’ombre des femmes, de Philippe Garrel.
La sapienza, de Eugène Green.
Trois souvenirs de ma jeunesse, de Arnaud Desplechin.
Carol, de Todd Haynes.
Nuits blanches sur la jetée, de Paul Vecchiali.
Inherent Vice, de Paul Thomas Anderson.
Las mil y una noches, parte III, de Miguel Gomes.
Comme un avion, de Bruno Podalydès.
Le nouveau, de Rudi Rosenberg.
Mia Madre, de Nanni Moretti.
Phoenix, de Christian Petzold.
Tangerine, de Sean Baker.
A la folie, de Wang Bing.
L'Etage du dessous, de Radu Muntean.
Taxi Téhéran, de Jafar Panahi.
The Other Side, de Roberto Minervini.
Quand je ne dors pas, de Tommy Weber.